Les fêtes de fin d’année vont rapidement pointer le bout de leur nez. Pour vous aider à gâter vos pré-ados, nous vous avons concocté une sélection de nos séries chouchoutes à leur faire (re)découvrir. Rien de tel qu’une saga pour plonger dans l’univers d’un auteur !
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Alma est la première trilogie de Timothée de Fombelle, jusque là plutôt adepte des dilogies (les merveilleux Tobie Lolness et Vango). C’est un projet que l’auteur a longtemps porté et son ampleur est impressionnante : le nombre de personnages, leurs rencontres, leurs déplacements… mais il s’agit surtout d’une fresque sur l’esclavage avec un fond historique solide et beaucoup d’aventures portée par des héros très attachants. La plume poétique de l’auteur et son sens du rythme font de cette trilogie une pépite, agrémentée par les illustrations tout en finesse de François Place.
Alma, série en trois tomes de Timothée de Fombelle, illustrations de François Place, Gallimard jeunesse.
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Crookhaven fait partie des héritiers d’Harry Potter. Un orphelin qui intègre une école secrète réservée à une certaine catégorie de la population, la filiation est évidente. Mais J. J. Arcanjo a su se détacher de son modèle et créer un univers bien à lui avec ses codes et ses personnages hauts en couleur. Car il ne s’agit pas d’une école de sorcellerie mais de voleurs ! Les aventures sont trépidantes et plusieurs arcs narratifs s’entrecroisent pour le plus grand plaisir des lecteurs.
L’école des voleurs, série en 5 tomes de J. J. Arcanes, Pocket Jeunesse.
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Les héros des Gardiens de Ga’Hoole ne sont pas des humains mais des chouettes et des hiboux. Ce choix original fait le sel de cette série qui fait elle aussi la part belle à l’amitié, à la magie et au mystère. Car le groupe de héros fait face à de multiples rebondissements tout au long des 15 tomes qui composent cette ambitieuse saga.
Les gardiens de Ga’Hoole, série en 15 tomes de Kathryn Lasky, Pocket Jeunesse.
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Est-il encore nécessaire de présenter Harry Potter ? Et pourtant, le jeune sorcier ne pouvait pas ne pas figurer dans cette sélection. Près de 30 ans après sa première parution en francais, il représente pour tellement de lecteurs le passage de la lecture un peu forcée à la lecture plaisir ! Il faut dire que J. K. Rowling a su comme rarement avant elle en littérature jeunesse construire une intrigue complexe et prenante à même de rendre accro les plus réticents à la lecture. Un must-have dont le succès ne se dément pas avec le temps.
Harry Potter, série en 7 tomes de J. K. Rowling, Gallimard jeunesse.
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Les mystères de Mika se déroulent sur une année, à raison d’un tome par saison. Mika est une jeune orpheline suédoise du 19ème siècle. Johan Rundberg croquer avec une effrayante justesse les conditions de vie de l’époque. Froid, dangers et parasites, rien n’est épargné au lecteur. D’autant que la jeune fille va faire équipe avec un inspecteur de police bluffé par son sens de l’observation. Elle sera donc témoin et enquêtrice de la noirceur de certains contemporains. Son duo avec l’inspecteur Hoff apporte cependant humour et bienveillance à cette série très originale.
Les mystères de Mika, série en 4 tomes de Johan Rundberg, Thierry Magnier.
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Les héros des Royaumes de feu sont des dragons. La construction de chaque épisode est plutôt classique mais permet d’enrichir l’univers créé par Tui T. Sutherland. En effet, chaque dragon est le héros d’un tome et entraîne ses amis dans la recherche de sa famille. L’amitié est la valeur centrale de cette série, mais elle fait aussi la part belle à l’entraide, la tolérance et quantité de jolies valeurs ce qui rend les personnages très attachants. Une entrée dans la fantasy pour les plus jeunes.
Les royaumes de feu, série en 16 tomes de Tui T. Sutherland, Gallimard jeunesse.
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Steam Sailors est une saga d’aventures qui, comme son nom l’indique, tient du roman de piraterie et de l’univers steampunk. Enjeux politiques, personnages hauts en couleurs, magie et destinée, on ne peut pas dire que le lecteur s’ennuie tout au long des trois tomes qui composent cette série. D’autant qu’E.S. Green met aussi en scène des femmes au fort caractère et aux talents certains. Une vraie échappée sur l’Héliotrope !
Steam Sailors, série en 3 tomes d’E. S. Green, Pocket Jeunesse.
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Vous cherchez une série assez courte, qui mêle quotidien et magie, pour lecteurs à partir de 8 ans ? Les tisseurs de rêves, de Manon Fargetton, est parfait. On y découvre quatre enfants, nés le même jour, et qui ont chacun un pouvoir particulier.
Un mystère, des situations rocambolesques, de l’entraide, de l’humour, et beaucoup de tendresse pour ces quatre tomes qui sont en outre très joliment illustrés. L’identification est facile, car chaque enfant a son caractère et ses goûts. En arrière plan, plusieurs thématiques sont abordées dans la série : l’amitié, bien sûr, mais aussi le poids des attentes familiales, la peur de décevoir ses proches, la manque de confiance en soi, la séparation, le deuil – toujours avec une grande sensibilité et délicatesse !
Les Tisseurs de rêves de Manon Fargetton, série en 4 tomes, Rageot.
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Quelques années auparavant, Manon Fargetton avait écrit une série à destination des 10-12 ans, Les plieurs de temps. Cette fois, les quatre héros, plus âgés, ont un super-pouvoir en rapport avec le temps, et une vieille horloge. Ils jouent donc avec le temps, tout en s’apercevant que ce n’est pas sans conséquences…
L’aspect fantastique permet ici de parler de harcèlement, de famille, d’amitié, de confiance en soi ou encore de maladie et de deuil. Action et rebondissements sont au rendez-vous !
Les Plieurs de temps de Manon Fargetton, série en 4 tomes, Rageot.
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Difficile de parler de séries pour pré-ados sans aborder la très célèbre série à succès de Shannon Messenger, Gardiens des cités perdues ! 9 tomes parus à ce jour – sans compter les 4 intermédiaires – et le dizième ne devrait pas tarder.
Au programme : une héroïne qui découvre qu’elle appartient au monde des elfes, des créatures fantastiques plus ou moins mignonnes, des luttes de pouvoir, des complots, et même des licornes ! L’humour, les rebondissements et les sentiments se mêlent à l’histoire, pour une lecture très addictive.
Gardiens des cités perdues, série en cours de Shannon Messenger – édition Lumen, dès 2014, version poche chez Pocket jeunesse 2017
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En parlant de loooongue série, on trouve aussi La guerre des clans. Cette fois, nos héros sont des chats, non pas domestiques mais sauvages. Ils sont scindés en plusieurs clans, et vivent dans la forêt.
L’intrigue tourne principalement autour de conflits entre les clans, d’amitiés et d’amours interdits, mais cette série aborde aussi la lutte pour la survie face à des menaces humaines (avec la destruction de la forêt) ou encore l’arrivée de clans extérieurs hostiles. Au fil des cycles, de nouvelles générations apparaissent et les clans doivent s’unir pour surmonter des crises majeures.
La guerre des clans, d’Erin Hunter, série débutée en mars 2005. Editée par Pocket Jeunesse. 7 cycles traduits en français.
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À 16 ans, les ados de Scott Westerfeld subissent une opération chirurgicale qui les fait passer d’Uglies à Pretties. Alors que l’échéance arrive pour Tally, une rencontre va la faire douter des raisons d’une telle transformation. Dans un univers futuriste plutôt crédible, l’auteur américain propose à ses lecteurs de s’interroger sur le paraître et la société de divertissement à laquelle ils appartiennent. Le tout dans des romans riches en tension et rebondissements.
Uglies, série en 5 tomes de Scott Westerfeld, Pocket Jeunesse.
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Un père détective qui mène des enquêtes trépidantes dans le monde du show-biz des années 80, une jeune héroïne qui n’a pas froid aux yeux, une bande d’ami.e.s fidèles, des illustrations pétillantes, de l’action, du courage, de l’humour, des chansons… Ce sont les ingrédients de cette série d’Yves GREvet et Carole TréBOR (le nom de famille des deux personnages principaux, vous l’avez ?), illustrée par Banjamin Chaud, idéales pour les enfants dès 9 ans, où suspens, références aux eighties à gogo, sens de la famille, amitié et star-system se côtoient pour notre plus grand plaisir ! En plus, l’objet-livre, couverture cartonnée et scintillante, dos rayé et mise en page aérée, est vraiment très beau, ce qui ne gâche rien !
Détectives Grébor, série en 3 tomes, écrite par Carole Trébor et Yves Grevet, illustrée par Benjamin Chaud, Little Urban
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Jefferson est un jeune hérisson du Pays des animaux, étudiant en géographie, qui, en compagnie de Gilbert, son meilleur copain comme cochon se pique (ah ah) au jeu des enquêtes à résoudre, quitte à prendre tous les risques et à se frotter de très près aux humains du pays d’à côté, pas toujours bienveillants, c’est le moins qu’on puisse dire ! Bien sûr…qui s’y frotte…Bref ! Dans cette série en 3 volumes (pour l’instant !) suspens, rebondissements et surprises sont au rendez-vous. Le grand conteur Jean-Claude Mourlevat a l’art et la manière de donner vie à des personnages très attachants. Hérisson, cochon, écureuillE, chat ou ragondin, muets ou trop bavards, deviennent si familiers qu’on en oublie qu’ils ne sont pas de notre espèce ! Des valeurs comme l’amitié, la tolérance, la solidarité, l’empathie, le pardon, sont universelles et l’auteur nous le rappelle de la meilleure façon. Et, l’humour présent, tant dans les dialogues que dans les situations, dédramatise des sujets qui pourraient prêter au tragique : les abattoirs dans le premier tome, l’embrigadement sectaire dans le deuxième, les aberrations écologiques en matière de recyclage et le sort des pays pauvres dans le troisième. On rit même parfois de bon cœur ! Le message passe. Les aventures de Jefferson sont fidèles à ce qui constitue l’essence même de son écriture : une plume fluide, enlevée, tout en étant drôle et tendre, une faculté extraordinaire à susciter la passion chez le jeune lectorat, tout en le questionnant habilement et intelligemment sur le monde qui l’entoure. A noter qu’une adaptation BD très réussie du premier tome est également sortie il y a peu et qu’elle pourrait elle aussi générer une série. Affaire à suivre…
Jefferson, série en 3 tomes, de Jean-Claude Mourlevat, Gallimard Jeunesse
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Et la semaine prochaine retrouvez notre sélection de séries à destination des ados !
La rentrée et son rythme trépidant sont passés, il est temps de fait un point sur les lectures qui nous ont accompagnées ce mois-ci. Voici nos coups de cœur du mois de septembre, avec le souhait qu’ils vous accompagnent à votre tour pour ce début d’automne !
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Lucie a une nouvelle fois été profondément touchée par la plume de Gildas Guyot. Après Vindicte, dans lequel il racontait le destin d’une femme tondue à la Libération, l’auteur se glisse dans la peau d’un jeune orphelin de 8 ans qui doit faire face à la fois au décès de sa mère et à la dépression de son père. Un sujet grave, mais traité avec une immense délicatesse et beaucoup d’émotion, sans tomber dans la larme facile. Foutues cigognes est une lecture dont on ne sort pas indemne et à laquelle on repense longtemps après avoir refermé le livre.
Côté album, Lucie a beaucoup aimé la réécriture du mythe de Sisyphe par Nadine Robert. Avec La marche de mulot, l’auteure invite les petits lecteurs à réfléchir sur la notion d’effort. Un mulot trouve un œuf et se met en tête de le remettre en sécurité dans son nid malgré les moqueries et les doutes des autres animaux. Le voilà parti, déterminé. Les illustrations, très simples, laissent toute la place aux projections des enfants face à cette situation qu’ils connaissent bien. Le mulot parviendra-t-il à réaliser sa « mission » ? Est-ce vraiment l’essentiel ? Un album à l’origine de discussions enflammées.
La marche du mulot, Nadine Robert, illustrations de Valerio Vidali, Saltimbanque, 2025.
En septembre, Helolitla a allégrement pioché dans les dernières sorties littéraires et la sélection du Prix Vendredi. Elle a également retrouvé les nouvelles parutions de ses mangas chouchous, mais 🤫 … parlons d’abord de littérature jeunesse !
Héloïse attendait avec impatience le roman junior Hazel Toucourt, d’Ellie S. Green. Attente qui valait largement le coup !
Hazel découvre avec horreur que ses parents l’abandonnent à nouveau pour els vacances : ils la laissent chez une grand-mère dont elle ne se souvient pas, dans un manoir quasi vide, où elle s’ennuie. Mais que sont ces bruits que la jeune fille entend la nuit ? Hazel mène l’enquête… et va se retrouver plongée dans une suite d’aventures virevoltantes !
Un voyage dans le temps, une grand-mère scientifique un peu loufoque, un dinosaure, un lapin savant et des secrets de famille, Héloïse ne pouvait qu’être conquise par cette aventure haute en couleurs, en rythme et en situations rocambolesques. Si vous aimez l’humour, les péripéties avec un zeste de folie, elle ne peut que vous conseiller ce premier tome très réussi !
Hazel Toucourt et les failles du temps d’Ellie S. Geen – Rageot, 2025
Du côté de la sélection du prix Vendredi, c’est Nina perd le Nord qui l’a emportée, le temps d’un road-trip en compagnie d’une famille un peu dysfonctionnelle mais ultra attachante.
Nina, l’héroïne, grandit seule avec un père qui ne s’est pas remis de la mort de sa femme. Et puis tout bascule quand ils découvre qu’une tante leur a légué sa maison et ses biens. La condition préalable : aller disperser ses cendres en Suède.
En quelques pages et avec beauxoup d’humour et de finesse, Céline Gourjault parle de deuil et de résilience, d’amour et de famille, d’adolescence et de confiance en soi. C’est frais, dépaysant, touchant.
Enfin, la plume très visuelle d’Alain Gagnol l’a plus que convaincue avec Célèbre à en mourir, un thriller ado dynamique et haletant.
Laura est en cours au lycée quand sa vie bascule : son visage se retrouve plaqué sur toutes les vidéos dans le monde entier ? Qui a fait ça ? Et comment continuer à vivre quand on devient la fille la plus célèbre du monde ?
Avec ce roman, Alain Gagnol interpelle les lecteurices sur de nombreux points : la célébrité et son coût, l’usage de l’intelligence artificielle, le développement des émotions chez cette dernière. Héloïse a apprécié ces réflexions qui surgissent au fil de la lecture, l’aspect futuriste terriblement réaliste.
La tension monte peu à peu, au fil des révélations et des rebondissements. Un livre intense, et qui fait réfléchir…
Coup de foudre intersidéral, amour-passion ! C’est ce qu’a ressenti Séverine à la lecture de Droméo et Chuliette, le dernier album de Marcus Malte (qui est aussi un grand écrivain pour les adultes), illustré par Henri Meunier (qui est également un grand écrivain jeunesse). Les deux compères, qu’elle apprécie déjà au-delà du raisonnable dans tout ce qu’ils produisent, lui ont offert un moment de lecture délicieux, avec cette revisite inédite du classique Roméo et Juliette de William Shakespeare, à la sauce 1. Camélidée, quelle bonne idée 2. Ultra contemporaine 3. Graphique épurée. C’est de la littérature jeunesse comme elle l’aime : loufoque, intelligente, engagée sans en avoir l’air, drôle sur la forme, sérieuse sur le fond, originale, inventive, créative, faisant confiance aux enfants pour comprendre ses subtilités, ressentir ses vibrations, écouter son message, bref, tout ce qu’une IA ne pourra jamais faire (on l’espère). Il y est question d’amoureux fous, évidemment, mais aussi de classe sociale, d’une ligne de bus miraculeuse, de langues vivantes, de musiciens morts depuis bien longtemps, de Voltaire et Rousseau, du Larzac et de b(g)osses libres ! Tout un programme…sans le drame. Parce que sans spoiler, il faut quand même dire que l’histoire finit bien, qu’elle met le sourire aux lèvres et du baume au cœur. Tout au long de la lecture, au rythme sans temps mort, on rit, on s’émeut, les jeux de mots fusent, la poésie se cache dans les détails…Le texte est brillant (comme l’est Marcus Malte), quant au graphisme, peut-être un peu déroutant pour l’adulte qu’est Séverine, nul doute que les enfants l’apprécieront dans toute sa richesse : figuratif, coloré, vitaminé, tendre (si si !), fin dans sa simplicité (comme l’est Henri Meunier). L’ensemble est jubilatoire, un régal pour lutter contre la morosité et la tristesse qui peuvent nous envahir à l’arrivée de l’automne.
Droméo et Chuliette, de Marcus Malte, illustré par Henri Meunier, Rouergue Jeunesse, 2025
En septembre, Blandine a lu deux albums jeunesse qui l’ont charmée !
Le LIVRE qui peut LIRE dans ton ESPRIT, Marianna COPPO. Grasset Jeunesse, 2024
Lady Rabbit est une magicienne ! Sortir quelqu’un de son chapeau, disparaître, ce sont des tours de magie impressionnants mais déjà vus et revus ! Mais deviner quel personnage le lecteur choisit sur une page et ne pas se tromper, ça c’est innovant ! Et Lady Rabbit ne se trompe jamais ! Même lorsque son public décide de changer de place !
C’est le titre qui a attiré Blandine vers cet album, tout comme son graphisme, à la fois épuré et inspiré de l’Art Nouveau. Elle s’est laissée prendre au jeu de Lady Rabbit qui a bien retrouvé quels personnages elle avait choisi. Mais comment notre Magicienne fait-elle cela ? Découvrez-le en lisant cet album, car un tour de magie ne s’explique pas, il se vit/lit !
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Chère Librairie, Emily ARROW et Geneviève GODBOUT. La Pastèque, 2025
Un livre qui parle de livres et de librairie, Blandine ne résiste pas ! Un livre qui célèbre les librairies et leur pouvoir d’évasion promet un moment tout simplement merveilleux. D’autant qu’il est illustré par Geneviève Godbout et son trait délicieusement vintage. Trop en dire serait sacrilège. Ouvrez donc vous aussi la porte de cette « Chère Librairie » pour vous y sentir comme dans un cocon et célébrez vous aussi le pouvoir des livres !
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Et vous, quelles lectures vous ont enthousiasmés ce mois-ci ? Quels titres nous conseillez-vous ?
La semaine prochaine, du 06 au 12 octobre, nos séniors sont à l’honneur. A l’occasion de la semaine bleue, nous avons décidé de poursuivre le billet d’été de Séverine et de vous faire part de nos nombreuses lectures dont le super héros est une mamie ou un papy, bref, une personne âgée.
Albums
Le petit Monsieur d’Orianne Lellemand, texte et Anne-Isabelle Le Touzé – Glénat jeunesse, 2021
Dans cette grande et jolie demeure de bord de mer, vit le petit monsieur. Dans sa vie pleine de ronrons il s’ennuie très fortement. Mais un jour lors de sa rituelle promenade au marché il croise un groupe de réfugiés. « Ces personnes ont fui la guerre dans leur pays. Nous avons pu loger la plupart d’entre elles, mais il reste une famille sans abri. Alors mes amis, qui peut les accueillir ? ». Est-ce que le petit monsieur va se proposer ?
Dans cet album il est question de tolérance, de solidarité mais surtout de famille. Nous appartenons tous à une famille mais le plus marquant c’est qu‘au fil du temps, la famille s’étend même au-delà. C’est le cas de cette maman, ce papa et de ces enfants qui vont sans doute trouver chez le petit monsieur un vieil homme qui pourrait être un père, un grand-père pour eux et cela n’a pas de prix.
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Quand Hadda reviendra-t-elle ? d’Anne Herbauts – Casterman, 2021
« Mais je suis là mon étoile. Regarde, tu as toute ma volonté ». Hadda est absente, physiquement elle n’est plus dans cet appartement d’une vie qui s’écoule ou qui s’est écoulée. Hadda rassure, murmure sa présence à travers les pièces traversée par cette même question : « Quand Hadda reviendra-t-elle ? ». Une ritournelle qui s’égrène page après page et qui attend une réponse bienveillante, encourageante.
Il y a plusieurs manières d’aborder le deuil et ce n’est jamais un exercice facile en littérature de jeunesse. La poésie d’Anne Herbauts souligne le chemin qui appartient à la disparue et l’enfant. Cette complicité ne fait que se renforcer à travers chaque page et invite la le lectrice lecteur à les détails. Des jeux d’enfants qui se mêlent au quotidien d’une personne âgée éclairés par des illustrations pleine page.
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Ma mamie en vrai, Yves Grevet, illustrations de Yann Lebras, Mango, 2018.
Louise adore sa mamie, quel dommage que celle-ci habite au Québec, de l’autre coté de l’Océan ! Heureusement, elles peuvent s’appeler en visio. Un jour mamie se met à faire de drôles de blagues, à appeler Louise par le prénom de sa maman… Alors la famille décide de prendre l’avion pour aller lui rendre visite pour de vrai.
Ce roman fait partie de l’excellente collection « roman dessiné » de Mango Jeunesse à destination des tout jeunes lecteurs. Nul doute que l’histoire leur parlera car la relation que tissent la petite fille et sa grand-mère par delà les écrans est particulièrement touchante. A l’heure où de plus en plus de familles vivent éloignées des générations précédentes, Yves Grevet montre qu’avec un peu d’inventivité des liens peuvent être entretenus malgré la distance. Mais aussi que ces relations seront fatalement interrompues, que ce soit par la maladie ou le décès, et qu’il est essentiel d’en profiter pleinement.
Un nouveau printemps pour Pépé Ours, Elodie Balandras, Didier Jeunesse, 2020.
Dans Un nouveau printemps pour pépé ours, Elodie Balandras propose à ses lecteurs d’accompagner Pépé Ours et sa petite fille pour décrocher la traditionnelle ruche pleine de miel. Une balade intergénérationnelle au cours de laquelle les deux protagonistes vont se rendre compte des changements survenus dans l’année. Alors que sa petite fille a grandi et gagné en autonomie, Pépé Ours n’est plus si rapide et fringuant.
Mon grand-père s’efface, Gilles Baum, illustrations de Barroux, Albin Michel Jeunesse, 2019.
La mémoire joue aussi des tours aux grands-pères. Surtout lorsqu’il approchent des 100 ans ! Ils ont vécu tant d’événements qu’ils se mélangent un peu. Quand un petit fils rend visite à son papy et que celui-ci le prend pour son frère, l’enfant est face à un dilemme : prévenir ses parents ou jouer le jeu ? Il va choisir la seconde option et profiter d’un vrai moment d’enfance aux cotés de son aïeul.
Comme on pouvait l’espérer de ce duo talentueux d’auteur-illustrateur, les choix graphiques de cet album apportent beaucoup de poésie à cette situation douce-amère.
Le lien entre enfants et personnes âgées se passe parfois de lien du sang. C’est le cas avec Josette qui garde Angèle et Clément le temps d’un été. Le temps s’étire, les enfants s’ennuient et décident d’organiser un Noël. Mais comment va réagir Josette ?
Ode à la spontanéité, au partage et à la joie des petits moments, Josette est illuminé par les illustrations floues de Clarisse Lochmann qui laissent au lecteur le soin d’imaginer les détails.
La robe rouge de Nonna, Michel Piquemal, illustrations de Justine Brax, Albin Michel Jeunesse, 2013.
Un jour, la petite fille de Nonna l’interroge : pourquoi chante-t-elle toujours en italien ? C’est l’occasion pour cette grand-mère de raconter l’histoire familiale et l’immigration en France pour échapper aux chemises noires de Mussolini. Magnifique album grand format qui met à l’honneur la transmission intergénérationnelle et la résistance à travers les sonorités et les chants. C’est l’histoire de nombreuses familles françaises qui reconnaîtront sûrement des éléments communs.
Hanabishi, de Didier Lévy, illustré par clémence Monnet. Sarbacane, mai 2022
Les grands-parents sont parfois les gardiens et les passeurs de savoirs, comme nous le montre Didier Lévy dans Hanabishi, un magnifique album aux couleurs chatoyantes. L’héroïne, une petite fille, est fascinée par les feux d’artifices, les hanabi au Japon. Et pour cause : elle nous narre le destin de sa grand-mère, seule femme hanabishi dans un métier dévolu aux hommes. A travers ses mots se dresse un portrait vibrant, hommage incontesté envers cette femme forte et pionnière. On y lit aussi une très belle complicité grand-mère – petite-fille, tendre et délicate.
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L’enfant et grand-mère, de Benji Davies. Ed. par Milan, 2019
Benji Davies aime lui aussi rendre hommage aux grands-parents. Dans sa très célèbre série L’enfante et la baleine, un tome est ainsi dévolu à la grand-mère : L’enfant et rand-mère. Le petit héros, Noé, passe ses vacances chez sa grand-mère, sur un minuscule rocher, et s’ennuie. Il part alors en exploration… Dans cette courte histoire très touchante, BEnji Davies met à l’honneur la famille et les liens intergénérationnels, à travers la relation qui se noue entre un petit garçon et sa grand-mère, les instants de flottement au début, puis de tendresse et de complicité qui apparaissent petit à petit. Une grand-mère haute en couleurs, indépendante, active, qui n’hésite pas à sortir son bateau en mer en pleine tempête… Une femme de caractère, comme on les aime !
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Capitaine Papy, de Benji Davies. Ed. par Milan, 2015
Dans un texte plus ancien, c’était un grand-père que Benji Davies mettait à l’honneur. Dans capitaine Papy, un voyage extraordinaire réunit petit-fils et grand-père. En quelques pages et avec beaucoup de tendresse, l’auteur aborde de manière imagée la question de la séparation, du deuil et de la disparition des proches. C’est doux, tendre, touchant.
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J’aime pas ma mamie. Isabelle DAMOTTE et Charles DUTERTRE. Magnard jeunesse, 2021
Non, la fillette de notre album, petite blondinette à couettes, n’aime pas sa grand-mère ! Elle a beau être la mère de son père, son nom lui échappe toujours, il n’y a rien à y faire. C’est ainsi, elle ne l’aime pas. Mais ne croyez pas que cela soit sans raisons. Au fil des pages, elle nous détaille ses arguments avec comique de répétitions et illustrations de famille qui en disent long. Suspicions, dévalorisations, remarques sur son éducation, visage sans cesse renfrogné, la Mamie n’aime pas non plus sa petite-fille et ne s’en cache pas. Voilà qui explique peut-être/certainement la profonde aversion de la petite envers son aïeule…
Isabelle Damotte nous rappelle que toutes les mamies ne sont pas « gâteaux », gentilles et pleines d’attentions affectueuses envers leurs petits-enfants, tous ou quelques-uns. Avec son texte en rimes très dynamique, ses quelques délicieux mots désuets, complétés par les foisonnants, pétillants et colorés dessins de Charles Dutertre, cet album est vraiment drôle. Pourtant, derrière le rire et les expressions blasées, se cachent une souffrance, un désir de reconnaissance, d’être et d’exister. Notre fillette se construira avec cela et autrement !
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Romans
Ma collec de mamies de Leïla Brient & Claire Gaudriot – Les Monédières, 2021
Les mamies, Louise les aime à la folie : « Ouais, mais les mamies, c’est plus précieux que les cartes Pakémou, il faut en prendre soin, les aimer très fort. C’est du boulot une collec de mamies, je sais pas trop si vous vous rendez compte ! »
Samedi prochain à 14h, Louise va donner rendez-vous à chacune de ses mamies préférées : Mamie Ella, la rouge si en colère et espiègle à la fois : « Ne t’habitue jamais à ce qui te fait mal, à ce qui t’indigne. Ne baisse jamais les bras, mords, bats-toi, hurle ! C’est pas normal, tu sais, de devoir partager ce monde avec ces trous du cul. » Mamie Violette et ses chiffres sur le bras, sa beauté de jeune fille à jamais dans ses sourires. Aimée la mémé de Louise confectionne des biscuits à la cannelle et aime démesurément ! Il y a Joséphine, très classe, qui pose avec les célébrités, pas besoin d’être jeune et belle pour ça (si si c’est vrai !). Quant à Bertille, elle collectionne les amoureux ébréchés et nourrit les oiseaux. Mamie Linette aime Papi Moktar : « Papi Moktar la berce dans ses grandes mains. Grandes comme un livre d’histoires. Les mains de Papi Moktar remontent doucement Linette dans leurs filets tissés de souvenirs. ». Ce même Papi qui tricote, fait cuire des confitures et qui a vécu mille et une vie. Toutes les invitations sont écrites, soigneusement personnalisées pour que la fête soit belle !
Bien sûr il fallait compter sur Claire Gaudriot qui aime les « trucs de vieilles » pour nous livrer cette magnifique galerie de portraits de mamies, si belles ! Le texte de Leïla Brient nous fait voyager à travers le vécu de ces femmes ordinaires tant elles sont extraordinaires. Des vies à aimer, à s’indigner, à être heureuse tout simplement.
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Des vacances d’Apache, Alexandre Chardin, Le livre de pochette jeunesse, 2023.
Alexandre Chardin affectionne particulièrement les relations inter-génerationnelles et on en trouve dans nombre de ses romans. Dans Les vacances d’Apache, il invite Oscar et ses lecteurs à rencontrer Marcel Miluche, un grand-père farfelu, champion de jeux vidéo, de dressage de chat domestique et de batailles rangées avec les gamins du quartier. Un adulte-enfant, bien décidé à rendre son petit-fils un peu moins raisonnable. Sa devise ? « Il faut être un Apache ! Toujours avec panache ! »
Premier rôle, Mickaël Ollivier, éditions Thierry Magnier, 2023.
Premier rôle figurait lui aussi dans la sélection du Prix Vendredi 2023. Il faut dire que Mickaël Ollivier a donné une place de choix au personnage de la grand-mère dans son roman. Son décès est le point du départ du récit de Laura, sa petite fille, qui va raconter leur vie et leur passion partagée pour le cinéma.
Un roman fort, avec de beaux portraits de femmes de trois générations marquées par l’amour, qu’il soit fou, manqué ou filial.
Illettrée littéraire / Perpète de Pierre Soletti, illustrations d’Emma Morison, Editions du Pourquoi pas ?, 2023.
Illettrée littéraire a été publié dans la collection Faire Humanité des éditions du Pourquoi pas ?, tête bêche avec Perpète. Ces deux textes sont des hommages poétiques très émouvants de l’auteur à sa Mamé.
D’un côté il partage ses souvenirs de devoirs effectués sous sa surveillance fantasque ; de l’autre le vide qu’elle a laissé en disparaissant. La tristesse est teintée de tendresse et d’humour qui apportent beaucoup de douceur.
Venise, Bises, Cerises. Nancy GUILBERT. Oskar Editeur, février 2020
Bien que le sujet de ce roman jeunesse ne soit pas précisément les grands-parents, ceux-ci occupent une place importante dans la construction de Venise. Celle-ci est orpheline de mère et, au-delà de ses propres souvenirs matériels ou émotionnels, ses grands-parents pourraient lui apporter de quoi construire sa mémoire et son identité. Mais ces derniers ne sont en aucun cas chaleureux. C’est même tout l’inverse ! Et aller chez eux est à chaque fois une épreuve pour Venise et son père tant les critiques sont constantes. Concernant le métier de leur gendre, l’éducation qu’il prodigue à Venise (ou pas justement), comme sur la jeune génération dont elle fait partie et qui irait à vau-l’eau. Ce point de vue, réel, fait du bien à lire et se remarque tant il est rarement abordé en littérature jeunesse. Il l’est un peu plus aujourd’hui cinq ans après la parution de ce roman, mais est encore une exception.
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Documentaires
Les rides, JR, Phaidon, 2019.
Est-ce vraiment en documentaire ? Oui, d’une certaine manière car on lit dans les rides des modèles de JR le temps qui passe et les expériences de vie. Les modèles racontent aussi leur histoire et celle de leur quartier à la fin de cet album aux magnifiques photos en noir et blanc. Photos qui ont ensuite été collées sur des façades d’immeubles de leur ville. Comme une invitation à nous tourner vers ces habitants, mémoires de nos cités.
Ma mamie adorée de Junko Honma – Rue de Sèvres, collection : le renard doré, 2024
Koume adore sa mamie Ume, étant proche de part l’étymologie de leur prénom, elles ne sont encore plus dans leur complicité. Laissons Junko Monma présenter ses personnages à travers leurs objets préférés et il y a vraiment des choses surprenantes. Vous les retrouverez tout le long de ces petites saynètes de la vie. Si parfois Koume se fait du souci pour la santé de sa mamie il en va de même pour Ume qui transmet de belles valeurs à sa petite fille. Toutes les deux sont attentives au fait et geste de l’autre. Quoi que de plus adorable que d’être le témoin d’autant d’amour à travers les saisons qui se déploient au Nord de l’île de Honshû.
Ce manga se déguste comme une part d’un bon gâteau moelleux réconfortant. Koume est si fusionnelle avec sa mamie qu’on ne peut s’empêcher d’envisager une immense tristesse si elle venait à la perdre un jour. Les illustrations et le découpage des chapitres apportent une atmosphère de bien-être et de nostalgie à la lectrice et au lecteur. La petite cerise c’est les explications données en fin de volume sur les coutumes ou autre de la vie japonaise.
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Le poids des héros, David Sala, Casterman, 2022.
Le poids des héros, c’est la transmission de l’histoire familiale. Les deux grands-pères de David Sala ont fuit l’Espagne de Franco pour se retrouver face au nazisme en France. Des héros qui ont vécu selon leurs convictions, sans éclat ni tambour. Et qui ont survécu à l’horreur. Un héritage plus ou moins lourd à porter selon la sensibilité des descendants et leur envie de le transmettre.
Le travail de recherche et de mémoire de David Sala est admirable. Son traitement, distillé dans une autobiographie est particulièrement délicat.
Ce joli est album d’Emilie Chazerand paru en 2019 aux éditions de l’Elan Vert met en scène une correspondance entre Jonathan, un petit garçon coquin et quelque peu insolent et sa mamie.
Au départ Jonathan, obligé par sa Maman à écrire à sa grand-mère ne le fait pas de très bon coeur mais leurs échanges épistolaires nous font presque avoir des fous-rires tellement la grand-mère a du répondant. Entre jeux de mots (Chère Mamimolette, Cher Chenapan), et confidences s’installe un dialogue plus profond qu’il n’en a l’air sur les âges de la vie (eh non, les mamies ne sont pas que des vieilles dames qui tricotent), le rôle de parents (les mamans sont des embêteuses professionnelles mais c’est pour la bonne cause, un jour il y aura du résultat espérons !). Le recul que peut apporter le regard des grands-parents au service d’un livre à la fois drôle et profond, avec des illustrations signées Charles Dutertre qui servent parfaitement le propos.
Un livre intergénérationnel à partager en famille pour renforcer la complicité et alléger les soucis du moment qui de toutes façons finiront par passer. Tout est plus léger à dos d’éléphant de toutes façons !
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La forêt des souvenirs est un joli album paru aux éditions Kimane en 2021 et qui traite de la maladie d’Alzheimer.
Emma et sa mamie se promènent ensemble dans la forêt des souvenirs, un lieu magique, probablement une métaphore de la mémoire de la grand-mère, dans lequel elles se promènent toutes les deux et revivent ensemble ses souvenirs les plus précieux.
Elles se rendront compte à la fin que même si l’on oublie tout, le plus important reste l’amour que l’on a donné et reçu.
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Pour terminer ce billet, nous avions envie de zoomer, après les albums Le petit Monsieur d’Oriane Lallemand et Josette de Clarisse Lochmann, sur une petite sélection dans laquelle les personnes âgées ne sont pas les grands-parents des héros/héroïnes, mais avec lesquelles ils/entretiennent une relation qui les aide à grandir, les nourrit, les transforme.
Le magicien du square, de Thierry Lenain, illustré par Laurent Corvaisier, Grasset Jeunesse, 2003
Le magicien du square, c’est ce vieil homme seul que rencontre la narratrice de ce bel album de 2003, aux illustrations sensibles, au texte émouvant. Du récit d’une amitié improbable entre une fillette de cité solitaire, passionnée de dessin, et un marginal, ancien marin, peintre à ses heures perdues, que beaucoup évitent, Thierry Lenain et Laurent Corvaisier font une ode à l’imaginaire, au pouvoir des histoires et de l’art comme langage universel capable de rapprocher des êtres que tout oppose. La véritable magie, c’est celle de la passion, du rêve, de l’amitié, au-delà des préjugés et des différences. En parallèle, c’est aussi une belle histoire sur la vieillesse, la maladie, la fin de vie, qui peut amener une réflexion, un échange avec les enfants, sur la solidarité avec les personnes âgées isolées.
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Sur le chemin de Reinette, d’Emmanuel Bourdier, illustré par François Ravard, Flammarion jeunesse, 2024
Dans cet album, on savoure avec Zélie l’océan, ses parfums, ses embruns, le sentiment de liberté et de sérénité qu’il lui apporte. Le seul problème, c’est que pour se rendre en bord de plage, il lui faut prendre le chemin qui passe devant la maison de Reinette, une vieille dame méchante et acariâtre, qui grogne, jure, postillonne. Mais quand l’on découvre avec Zélie un secret de siècle dernier, inscrit sur un « trésor sous verre » venu s’échouer aux pieds de la fillette et qu’elle comprend de qui provient le message, le crapaud reprend visage humain et notre regard change… Et si la méchanceté de Reinette était plutôt la manifestation de l’aigreur d’un bonheur qu’elle n’a pas connu, d’une blessure jamais cicatrisée ? C’est alors, entre l’enfant et la vieille dame, le début d’une complicité aussi pudique que surprenante…Ce bel album, au texte et aux illustrations généreux et lumineux, apporte évasion, émotion, réflexion. Il est d’autant plus touchant qu’il est également, empreint d’humanité, un beau récit sur la solitude, la vieillesse et les rendez-vous manqués.
Dans Presque perdu, Hervé Giraud met en scène la relation entre Émile, un enfant de 9 ans, et un grand-père (qui n’est pas le sien) surnommé Tintin, récemment veuf, masquant sa tristesse et sa peine derrière une extravagance faussement joyeuse. Leurs aventures familiales d’un été (vivre en tribu, se disputer, s’amuser, faire des concessions, trouver un enfant, perdre un enfant) leur permettront de se rapprocher et de s’apporter mutuellement réconfort et confiance. Entre humour et tendresse, ce roman junior nous dit à la fois l’amour entre générations, la transmission, et la manière dont un enfant sait mieux affronter la réalité du monde adulte quand il est bien entouré. Grâce à Tintin, Emile apprend que la perte définitive existe, mais que l’amour, les liens, et le souvenir permettent de continuer à vivre et même à être heureux. Les illustrations pleines de peps et très expressives sont absolument délicieuses, tandis que, comme souvent avec cet auteur, sensibilité et rires se taillent la part du lion pour de beaux moments d’émotions.
La vie devant soi, d’Emile Ajar/Romain Gary, Mercure de France, 1975
La dernière œuvre présentée n’est pas à proprement parler destinée à la jeunesse. Néanmoins, elle peut être lu dès l’adolescence et certaines arbronautes considèrent même que c’est un tel chef-d’œuvre qu’il n’est jamais trop tôt pour le lire et apprécier ce roman de 1975, Prix Goncourt pour le moins surprenant d’un auteur inconnu : Emile Ajar.
Dans un Paris populaire marqué par la pauvreté, la marginalité et le racisme, son héros inoubliable, Momo, fils de prostituée placé chez Madame Rosa, une vieille dame juive, malade, obèse, ancienne prostituée elle-même, à qui l’on confie les enfants dont les mères ne peuvent pas s’occuper. Narrateur du roman, il décrit avec la gouaille de ses mots d’enfant et la fraîcheur de son innocence, une réalité dure où les allié.e.s sont rares, les drames latents, les souffrances omniprésentes, les solitudes tragiques. Mais ce que Momo raconte, – comment des êtres fragiles peuvent se sauver les uns les autres, la solidarité entre marginaux et autres rejetés de la société-, est d’une humanité réconfortante, d’une drôlerie mêlée de sensibilité sans pareille, d’une lumière infinie. Sa relation avec Madame Rosa, figure maternelle de substitution, c’est une magnifique leçon d’amour au-delà des liens du sang. Mais, plus que ça et par-dessus tout, la prouesse de ce magnifique roman, c’est, en évoquant la vieillesse, la maladie et la mort, de sublimer, puissante et résiliente, l’enfance, ce moment où l’on a La vie devant soi. Bravo Monsieur Gary !
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Et vous, quels livres vous rappellent vos grand-parents, les moments passés avec eux, ce qu’ils vous ont transmis… ?
« A quoi bon lire ? » c’est un peu ce qui nous vient à l’esprit lorsqu’on évoque Serge Bloch. En effet, son trait semble pouvoir se passer de texte. Il a d’ailleurs accompagné jusque très récemment l’exposition installée à la médiathèque Françoise Sagan. Un bel hommage à la toute première bibliothèque jeunesse : l’Heure Joyeuse ! Très fidèle à certains auteurs comme Davide Cali, il est aussi très connu pour être le « papa » de la célébrissime série Max et Lili ou de SamSam. Sans plus attendre, voici les albums de cet illustrateur sélectionnés par vos arbonautes qui ont chacune dégotté 10 raisons pour vous convaincre !
Pour Lucie, il est impensable de ne pas aborder la collaboration de cet auteur-illustrateur avec Davide Cali. Et notamment leur album L’ennemi pour les 10 raisons qui suivent…
L’ennemi, Davide Cali, illustrations de Serge Bloch, Sarbacane, 2016.
1. Les deux trous de l’introduction qui isolent et sont pourtant similaires. 2. Le choix de Davide Cali du point de vue unique et de la narration à la première personne. 3. Ces illustrations, entre photos d’éléments réels… 4. Et traits ultra-efficaces de Serge Bloch. 5. Parce que cette idée de manuel qui explique parfaitement le concept de propagande. 6. Pour ces doutes et questionnements qui surviennent lors d’une nuit étoilée. 7. Car la prise de conscience illustre le dicton anglais invitant à ne pas juger une personne avant d’avoir « marché un kilomètre dans ses chaussures ». 8. Pour le soutien d’Amnesty International et de l’Historial de la Grande Guerre. 9. Pour le jeu des deux erreurs entre la deuxième et la troisième de couverture. 10. Et parce que le discours sur la paix, le respect de l’altérité et la compréhension de l’Autre est plus que jamais d’actualité.
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Pour Séverine, alors qu’elle connaît et apprécie tant Serge Bloch depuis des années, l’évidence fut de présenter cet ouvrage collectif de 2015, pour les 10 raisons suivantes :
Pour sa couverture bouleversante et son titre le plus empathique qui soit.
Pour le texte du grand Daniel Pennac, qui expose, interpelle, questionne, et en appelle à des valeurs essentielles d’humanité et de cœur, tout en rappelant rapidement l’histoire des migrations.
Pour l’acrostiche créé avec les lettres du mots R.E.F.U.G.I.E.S par Jessie Magana et Carole Saturno, à la fois didactique et sensible. Très intéressant, car cela peut être exploité en classe, par exemple.
Parce que les illustrations de Serge Bloch, au trait simple et épuré, offrent des gestes, des regards, des situations qui touchent au plus haut point et complètent les propos avec une grande force évocatrice.
Parce qu’il ne fait pas que sensibiliser et expliquer, il propose également des pistes d’action pour améliorer le sort des personnes réfugiées, à portée de tous.te.s.
Parce que 40 maisons d’édition jeunesse, fort appréciées d’ailleurs A l’ombre du grand arbre, se sont associées à ce projet pour porter ensemble un message de bienvenue et de solidarité, en partenariat avec le Salon du livre et de la presse jeunesse.
Parce que les auteur.ice.s et l’illustrateur, ainsi que l’ensemble des acteur.ice.s de la chaîne du livre ont œuvré bénévolement pour que ce livre voie le jour.
Pour son petit prix, qui le rend accessible au plus grand nombre.
Parce que les bénéfices générés par la vente de cet ouvrage sont intégralement reversés à La Cimade, association de solidarité active avec les migrants, les réfugiés et les demandeurs d’asile.
Parce que la seconde édition du livre, en 2018 a été enrichie d’une version audio du texte de Daniel Pennac, lue par l’actrice Sandrine Bonnaire, et que des fiches pédagogiques peuvent être téléchargées.
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Hélène de son côté considère qu’on ne peut pas évoquer Serge Bloch sans s’attarder un peu sur la série Max et Lili et ceci pour (au moins) 10 raisons :
Sa longévité : depuis 1992 et le premier titre Lili ne veut pas se coucher, pas moins de 135 références ont été publiées.La série traverse les générations sans prendre une ride puisque les sujets sont sans cesse renouvelés
La variété des sujets abordés : petits soucis à la maison ou à l’école (se faire des amis et avoir des petites fâcheries avec eux, hospitalisation, vouloir un animal de compagnie) mais aussi problèmes de société (chômage, drogue, réfugiés)
Le mélange d’intemporalité et de modernité qui s’en dégage : 1992 Lili ne veut pas dormir, 2010 Lili veut un téléphone portable, 2020 Max et Lili ont peur du noir, 2024 Max et Lili découvrent l’empathie
La relation fraternelle entre Max et Lili : entre complicité et rivalité, ces deux frères soeurs sont comme chien et chat, mais toujours solidaire l’un avec l’autre en cas de vraie difficulté
De manière générale, les relations avec la famille, proche et élargie, les amis, l’école, bref, tout ce qui fait le quotidien d’un enfant de l’âge des petits protagonistes 🙂
La tendresse avec laquelle sont abordés les sujets les plus graves, qui se ressent dans le trait de l’illustrateur
Son petit format, idéal à transporter partout
La variété des supports sur lesquels on peut retrouver les petits personnages de Serge Bloch : cahiers de vacances, jeux de société, cherche et trouve, agendas, calendriers… De vrais compagnons au quotidien
La qualité des histoires et l’expressivité des personnages qui permettent de faire de cette série un véritable objet littéraire, au-delà de son aspect pédagogique. Très utile pour aborder certains sujets difficiles, ils ont toute leur place dans les bibliothèques de classe depuis longtemps et peuvent être conseillés pour aborder en famille des sujets délicats
Le format BD que les enfants adorent et qui permet, encore une fois, d’être réellement dans la lecture-plaisir sans avoir l’impression de lire une leçon
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Pour Liraloin, la bagarre ce n’est pas son affaire et n’a jamais bien compris quelles étaient les réelles motivations pour en finir ainsi ? Et bien voilà 10 bonnes raisons, enfin, d’en savoir un peu plus sur la bagarre et aussi pourquoi aimer cet album !
Le grand livre de la bagarre de Davide Cali, illustré par Serge Bloch – Sarbacane, 2013
Il n’y a pas que la bagarre qui est immense, le format de cet album l’est carrément plus. Une grande bagarre prend beaucoup plus d’ampleur dans un grand livre !
Pour la première et quatrième de couverture … un personnage heureux, semble-t-il, d’avoir gagné sa bagarre avec tout de même quelques dommages physique …ouille…
… « aïe – bang – ouille – clac » justement une belle bagarre digne de ce nom et rondement bien menée doit se doter de cette belle mélodie d’onomatopées.
« Jeux de mains, jeux de vilains » pour ne pas être tenté par une bagarre, il suffit d’écouter les conseils des adultes même si ces derniers ne sont pas toujours des exemples à suivre.
Pour ce qui nous amène à entrer en bagarre car finalement il y a toujours une bonne raison plus ou moins grave et puis cela dépend tellement de l’humeur journalière …
Pour ces précieux conseils donnés afin de réussir une bagarre « équitable » : « même poids, même taille, même nombre », merci Davide Cali de nous donner de bons tuyaux.
Pour que la bagarre s’arrête, il faut toujours avoir une bonne excuse : la peur de se faire prendre, maman qui appelle pour passer à table (un bon petit plat maison ne se refuse jamais, c’est un signe de paix).
Pour être un bon bagarreur et surtout en cas de victoire, attention à ne pas trop en faire. Nous apprécions la modestie on vous aura prévenu !
Pour le texte de Davide Cali et son humour qui nous permet de dédramatiser cette histoire de bagarre, une langue oh combien universelle.
Enfin, pour le trait de Serge Bloch que l’on reconnaît entre 1000, dessinant des visages d’enfants si expressifs entre tendresse et amusement.
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Blandine est tombée sous le charme de petit album au format à l’italienne, à la couverture bleutée constellée d’étoiles et de ce petit garçon au filet à papillons.
Décrocher les étoiles et autres expressions sur la vie. Serge BLOCH. Circonflexe, 2017
Parce que Serge Bloch ! Ah, il faut d’autres raisons ?! Les voici donc :
Le titre, « Décrocher les étoiles et autres expressions sur la vie », est déjà une formidable invitation, n’est-ce-pas ? Et j’étais curieuse de découvrir quelles étaient les expressions choisies par Serge Bloch, comme le sens lettré et dessiné qu’il leur a attribuées
Parce que l’album est bilingue, français et anglais, et qu’il est rigolo de découvrir comment chacun exprime une chose commune, que le concept soit abstrait ou concret.
Pour croire en soi, tomber et se relever, avoir des rêves, compter sur ses amis, avancer, réussir et recommencer.
Pour ses illustrations : des images qui combinent quelques traits minimalistes, un peu de couleurs et des objets, du quotidien, du passé, de la nature.
L’illustration peut parfois sembler bien éloignée des mots, selon qu’on lit en anglais ou en français.
Parce que les « conseils » donnés en image sont souvent facétieux
Parce que cet album est tout simplement beau, doux, expressif, rigolo, poétique.
Parce qu’il n’y aura jamais assez de livres pour insuffler confiance en eux à nos enfants, pour leur avenir, pour faire face aux épreuves de la vie et aux sentiments qui la traversent.
Parce que cela peut aussi nous encourager nous, parents et adultes.
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Enfin, Séverine et Lucie vous proposent à quatre mains les dix raisons de découvrir Moi j’attends, un album cher à leur cœur.
Moi j’attends, Davide Cali, illustrations de Serge Bloch, Sarbacane, 2005.
Pour son format à l’italienne très allongé, qui permet au fil de l’histoire de se dérouler . Un objet-livre qui se démarque dans la bibliothèque.
Pour la couverture, imitation d’une enveloppe expédiée par l’auteur et l’illustrateur au/à la jeune lecteur.ice, les étiquettes avec le titre de l’album, cet enfant qui attend à la fenêtre (de l’enveloppe) ; les noms de l’auteur et de l’illustrateur sur les rubans brodés de notre enfance en page de garde ; pour le quatrième de couverture sous forme de dédicace à la vie, et indirectement à l’amour (dont il est beaucoup question dans l’album), grâce au cœur formé par le fil.
Pour les petites et grandes attentes d’enfant et d’adulte qui ont toutes une place légitime, chaque lecteur.ice, enfant ou parent ou grand-parent, peut s’identifier – ce qui renforce le moment de partage qu’est la lecture de cet album.
Pour la temporalité de l’attente, qui suit le fil de la vie de manière chronologique. Cela rend accessible le déroulé d’une existence complète, de la naissance à la vieillesse, aux enfants, même très jeunes.
Pour le fil rouge (au sens propre et au figuré) qui se transforme au fil des pages : guirlande, mouchoir, cordon ombilical, écharpe… c’est le quotidien et pourtant, c’est si poétique !
Pour l’exploit de traduire une vie dans toute la palette de ses émotions, en moins de 50 pages ; pour le caractère universel du message, au-delà des différences de pays, de culture, de religion, de couleur de peau…
Pour l’inventivité et le travail graphique remarquables, alors que ça semble d’une simplicité confondante : ces illustrations minimalistes à l’encre noire, et ce fil rouge qui, lui, n’est pas une illustration, mais une photo. Le contraste est saisissant, il dit l’essentiel.
Pour le fil de la vie qui se poursuit au-delà de l’album et cette trouvaille de remplacer le N final du mot fin en L, grâce au fil, qui renforce l’idée d’une continuité.
Un album qui n’a pas pris une ride, 20 ans après sa parution (d’ailleurs, cet article pourrait-il souffler l’idée d’une réédition à Sarbacane ? 😉) et parce que l’émotion surgit même après une multitude de lectures.
Emotion d’autant plus forte pour Séverine qui a découvert il y a peu de temps le principe philosophique coréen de l’Inyeon, que l’on peut traduire par « fil rouge du destin ». Ce mot désigne une connexion significative entre deux personnes, dont les chemins finissent par se croiser un jour ou l’autre. Elle a tout naturellement fait le lien avec cet album, son aventure A l’ombre du grand arbre, et sa rencontre avec Lucie…
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Et vous, quelle est votre œuvre préférée de Serge Bloch ?
Lorsque la BD s’invite sous notre bel arbre, l’envie de faire une lecture commune s’en fait de suite ressentir. Pour ce titre Lucie et Liraloin ont partagé leurs émotions durant la lecture de cette BD. Vous allez voir que Magda, cette petite fille au fusil nous relate un épisode très sombre de l’Histoire de la Lituanie…
La petite fille au fusil, histoire d’une jeune résistante de Marius MARCINKEVICIUS et illustré par Lina ITAGAKI, 2025
Lucie : J’ai beaucoup vu passer cet album sur les réseaux avant de me lancer et je n’étais pas totalement convaincue sur le papier : d’un côté l’histoire m’intéressait vraiment, de l’autre je trouvais les illustrations très (trop) « enfantines ». As-tu été immédiatement attirée par ce titre de ton côté ?
Liraloin : Je n’avais pas entendu parler de cette BD. C’est en recevant la liste via le blog que le titre m’a interpellé et comme tu étais aussi partante de ton côté, j’ai foncé. Tu évoques les illustrations. Pour ma part, comme je fais partie d’un comité BD et étant grande lectrice d’albums, je passe outre les illustrations. Ce qui m’a attiré : ce passage de l’Histoire qui n’est pas forcément très connu (du moins pour ma part). D’ailleurs, est-ce que tu connaissais l’histoire de la Lituanie durant la seconde Guerre Mondiale?
Lucie : Pas du tout, c’est précisément ce qui m’a attirée. Et j’avoue avoir été choquée en découvrant les nombreuses vagues d’invasions qui se sont succédées. Les lituaniens ont été en paix beaucoup plus tard que la France, quelle période affreuse ! De mon côté, avec les illustrations c’est quitte ou double, j’ai beaucoup de mal à entrer dans une histoire si les dessins me crispent, surtout dans un roman graphique. Je n’arrive pas à avoir du recul à ce sujet. Mais ici elles vont très bien avec la narratrice, je trouve finalement que l’effet est harmonieux.
Liraloin : Je suis d’accord avec toi. Le choix du découpage qui est complétement la construction d’un roman graphique rend la lecture très fluide et l’illustration a autant son importance que le scénario.
Lucie : On découvre donc l’histoire de la Lituanie à la fin des années 1940 à travers les yeux de Magda qui en est au même point que nous. As-tu envie de présenter notre héroïne ?
Liraloin : Bien sûr !!! Magda n’est pas très âgée mais assez pour se voir confier une mission d’une grande importance. Son père a dû voir en elle cet esprit téméraire. Elle est très débrouillarde car ses parents et son grand-père lui ont enseigné comment se débrouiller avec ce que peut apporter la Nature. Ce qui m’a plu dans le personnage de Magda c’est son caractère très fort qui est à l’inverse de cette esprit de fillette qui est en elle. De par ses choix, elle peut être maladroite comme un enfant de cet âge pourrait l’être finalement. Et toi qu’est-ce qui te plait chez Magda?
Lucie : Comme toi, cette alternance entre enfance et débrouillardise m’a semblé très juste. D’autant que les talents de Magda sont justifiés : elle sait coudre parce que son grand-père est cordonnier, elle se déplace silencieusement parce qu’elle est passionnée par les indiens… ses qualités ne sortent pas d’un chapeau et j’ai vraiment apprécié ce côté réaliste. D’autant que le lecteur fait sa connaissance dans un moment dramatique puisque son père lui a demandé de se cacher alors que toute sa famille était arrêtée ! Après, sa personnalité très vive est extrêmement attachante, surtout au milieu d’adultes.
Liraloin : Oui tout à fait. Il y a une page qui montre l’absurdité de cette guerre et les conséquences : les occupations notamment. Dans le cas de la Lituanie, Magda parle des soldats verts qui persécutent le peuple puis l’arrivée des hommes en marron qui ne sont pas mieux : “Ils ont pris les montres de tout le monde, comme s’ils voulaient être les maîtres du temps”. Le ton d’une fillette qui parle en somme.
Lucie : Suite à l’arrestation de sa famille, Magda se retrouve seule. Souhaites-tu parler du groupe de résistants qui la recueille ?
Liraloin : Elle est secourue par son ancien instituteur qui l’amène dans un de ces fameux bunkers. Et là on rencontre d’autres personnages qui eux aussi sont sortis de l’enfance plus tôt que prévu ou ont été blessés… très difficile et réaliste ! D’ailleurs, comment as-tu vu cette nouvelle vie qui arrive très brusquement pour Magda ?
Lucie : La transition est très bien amenée par le personnage du maître comme tu le disais. Le lecteur est comme Magda, inquiet de l’arrivée cet adulte en uniforme : de quel côté est-il ? comment va-t-elle se débrouiller maintenant qu’elle est seule ? Et en fait son intégration se fait naturellement, on comprendra plus tard pourquoi. J’ai trouvé que l’abri des résistants fonctionnait un peu comme une famille – peut être parce qu’ils sont très jeunes comme tu le disais – avec des personnalités très tranchées mais aussi très attentives les unes aux autres. As-tu un personnage préféré parmi eux ?
Liraloin : Comme tu le dis très bien, c’est une famille qui est recréé pour elle. Je n’arrive pas à savoir si j’ai un personnage qui m’a touché plus que l’autre. Ils sont si différents dans leur caractère et de les voir prendre ces risques au jour le jour me les a tous rendus très attachants. Après, je ne peux pas résister au duo Magda-Pépite ! La vie en dehors des missions s’organise comme une famille et c’est d’autant plus compliqué lorsqu’elle revient chez elle pour y chercher un objet, elle ne reconnaît plus sa maison et son odeur.
Lucie : Pépite est donc le chien de Magda, personnage à part entière de ce roman graphique et central de différentes péripéties car Magda y est très attachée.
Ce moment dont tu parles du retour à la maison est hyper bien vu. Il montre bien l’étrangeté du conflit qui atteint les recoins les plus intimes. Et en même temps l’humanité de l’ennemi puisqu’une autre famille a été logée là, probablement sans savoir le drame qui lui a permis d’avoir cette maison. Martin explique à Magda : “Ne te mets pas en colère, ce sont peut-être des gens bien. L’homme a perdu sa jambe à la guerre. Le nouveau gouvernement a donné la maison des déportés à d’autres familles… Ce n’est pas facile pour eux…” Cette volonté de nuances m’a énormément plu.
Liraloin : Exactement ! ça me fait rebondir sur cette histoire de territoire vu avec la famille de renard. Magda intervient et fait une énorme bêtise qu’elle veut réparer car finalement elle s’est aperçue qu’elle avait envahi le territoire de chasse de la renarde. J’ai trouvé cela parfait ! Le renard, ce prédateur que tout le monde veut abattre !
Lucie : C’est d’ailleurs un passage qui intervient juste après. Ces passages avec les renards pourraient sembler anecdotiques mais ils ne le sont pas du tout, ils montrent la complexité et les conséquences de chaque décision, à la hauteur des renards mais pas seulement évidemment ! On prend une décision qui semble bonne sur le moment, on se rend compte qu’elle a des conséquences qu’on n’avait pas prévu, et essayer de rattraper le coup prend finalement beaucoup d’énergie (ici beaucoup de risques)… J’aime les bons sentiments qui animent toujours les prises de décisions de Magda.
Liraloin : Justement, cette petite fille si agile et courageuse se remet en question comme tu dis et c’est d’autant plus compliqué qu’elle n’est pas avec ses parents. D’ailleurs, elle se souvient des bêtises commises lorsqu’elle vivait encore avec sa famille.
Lucie : Et si réparer ses bêtises lui fait prendre des risques énormes en volant dans la cuisine des soldats ennemis, celui lui permet aussi de nourrir les résistants du bunker. Car on n’en a pas beaucoup parlé mais la réalité des difficultés de la guerre n’est pas cachée. Ils ont peur, ils ont faim, ils sont blessés (voire pire), certains sont traumatisés par des événements antérieurs… Magda évolue dans un monde qui n’a rien d’enfantin.
Liraloin : En effet, la destruction et l’occupation met ses sentiments à rude épreuve et pourtant l’histoire trouve un juste équilibre en essayant de préserver de temps à autre l’innocence enfantine et cette subtilité est grandement appréciée !
Lucie : La subtilité tient jusqu’au drame de la fin, qui n’est montré que par des chaussures. Cela m’a beaucoup fait penser au film Jojo Rabbit. Et, si leurs camps sont opposés, je trouve qu’il y a une vraie filiation entre ces deux œuvres sur l’enfance prise en étau entre réalité horrible et imaginaire de son âge.
Jojo Rabbit réalisé par Taika Waititi, adapté du roman de le Ciel en cage de Christine Leunens, 2019
Liraloin : Merci pour ce titre de film que je ne connaissais pas mais je comprends car n’ayant pas ta référence j’ai été moi-même marqué par cette scène !
Lucie : Malgré mes craintes j’ai finalement trouvé qu’elles avaient un côté un peu enfantin qui allait très bien avec le propos. Et toi, qu’as-tu pensé des illustrations ?
Liraloin : Oui, étonnamment les illustrations soulignent bien la noirceur du propos justement en permettant au lecteur de se réfugier dans un monde plus enfantin. Comme si l’image nous permettait de reprendre un peu de notre souffle. Le choix des couleurs nous invite à comprendre que toute l’intrigue se situera dans la forêt, camouflée par la Nature. Est-ce que tu as apprécié ce choix de palette ?
Lucie : Je suis tout à fait d’accord avec toi. A la fois les dessins permettent de garder un certain recul, et en même temps elles laissent presque penser que Magda nous raconte son histoire a posteriori, peu de temps après. L’effet est très intéressant. Et ces teintes entre le marron et le gris vont bien avec le contexte : les personnages sont cachés dans la forêt, ne sortent que la nuit… Et en même temps il y a quelque chose de très naturel, pas du tout oppressant (à contrario du rouge qui fait des apparitions de mauvaise augure : le feu, le sang, le danger !).
Nous en avons un peu parlé au début de cette discussion mais cet ouvrage se termine sur une courte chronologie de la guerre en Lituanie qui m’a fait tomber des nues. Je n’avais aucune idée des difficultés rencontrées par ce pays, ce qui montre bien qu’on est encore très “européens de l’ouest centrés” dans cette Histoire. Qu’as-tu pensé de cette note finale ?
Liraloin : Je trouve que cette note est intéressante pour le jeune lecteur. Elle permet d’éclairer l’histoire de ce pays durant la seconde Guerre Mondiale tout en restant succinct pour ne pas tomber dans le cours d’histoire. Comme toi, j’étais aussi étonnée de cette situation, preuve en est que la littérature soit disant destinée à la jeunesse l’est aussi pour les adultes.
Lucie : Justement, à qui conseillerais-tu ce roman graphique ?
Liraloin : Je dirais à partir de 10 ans jusqu’à… aucune limite et toi?
Lucie : Pareil. Pas trop tôt parce qu’il faut tout de même avoir les références (les étoiles sur les casquettes des militaires, la déportation, la Résistance…). Mais je crains tout de même que les illustrations très enfantines, même si nous sommes d’accord pour dire qu’elles sont appropriées, ne freinent les lecteurs plus âgés. Par exemple, mon fils de 13 ans n’était pas du tout attiré par ce titre à cause d’elles et s’il a fini par le lire et l’apprécier, il n’a pas adhéré au parti pris graphique. C’est vraiment dommage car pour moi cet album est une réussite à tous points de vue !
Liraloin : Et oui, c’est un parti pris un peu risqué mais avec une belle médiation, ce roman graphique peut fonctionner !
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Nous espérons vous avoir donné envie de découvrir cette BD et que vous prendrez autant de plaisir que nous à découvrir cette histoire. Merci aux Éditons du Ricochet de nous avoir envoyé ce titre !